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Page:Jean Tarnowski - Ukraine et Galicie.pdf/7

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lithuanienne n’a jamais été langue officielle ni langue de la cour en Lithuanie. Le lithuanien était un parler populaire, dans le genre du patois français, et il est rapproché du sanscrit, comme le basque.

4. — Quant à l’impérialisme polonais dont parle l’auteur, qui n’est pas le seul à en accuser nos compatriotes, la façon dont fut accomplie la réunion de la Ruthénie Rouge à la Pologne, donne à cette accusation un démenti formel. D’ailleurs, la Constitution polonaise, une des plus anciennes de l’Europe, interdisait l’emploi des troupes nationales hors des frontières de l’État pour plus de trois mois. Ce temps écoulé, le roi pouvait continuer la guerre seul et à ses frais. Cette clause de la Constitution polonaise, contraire à tout esprit d’impérialisme, avait deux buts :

a). — Couper court à une tendance exagérée de certains rois à aller, sans avantages pour eux et pour leur pays, au secours de quiconque implorait leur aide. Les faits que nous avons cités plus haut et l’expédition de Sobieski à Vienne le prouvent. En délivrant Vienne des Turcs, la Pologne ne remporta de ce haut fait, d’autre avantage que celui de se voir démembrée par l’Autriche, cent ans après.

b). — Prévenir des expéditions lointaines, inutiles et dangereuses contre les Tartares, et auxquelles des chefs imprudents auraient pu se laisser entraîner.

Une fois dans la steppe, le Tartare devenait insaisissable, tandis qu’il pouvait facilement se saisir de ses poursuivants, perdus dans ces plaines désertes. Un ancien diction populaire en pays cosaque définit la situation. On disait : « Tu te saisis du Tartare et c’est le Tartare qui te tient. »

Et maintenant que nous avons répondu à toutes les questions posées au début de cet ouvrage, qu’il nous soit permis d’ajouter ceci :

Les Polonais fidèles à leurs traditions et à la foi jurée, maintiennent en valeur les engagements pris par leurs ancêtres envers les peuples unis à la Pologne dans l’Histoire. Cette union, librement consentie de part et d’autre, dans l’intérêt commun, fut rompue, il y a cent cinquante ans, par la force de l’arbitraire, mais n’a pas été annulée. Elle ne pouvait l’être par cette voie. Conclue et confirmée par des Assemblées nationales mixtes, composées de représentants de tous ces peuples, cette union, pour être légalement dissoute, aurait dû l’être de la même façon qu’elle avait été constituée. Nul gouvernement provisoire, ni aucune personnalité particulière, n’aurait le droit de se prononcer à ce sujet au nom de ces peuples.

De leur côté, les Polonais, tout en restant fidèles à cette union, n’entendent forcer aucun des peuples qui la composaient à rester unis à eux malgré lui. Ils sont prêts à soutenir et même à défendre l’indépendance de ces peuples s’il y en avait qui voulaient se séparer d’eux, et ils ne prêteront jamais la main à les remettre sous le joug de Moscou ou à les livrer à celui de la Prusse, sous le couvert de l’influence allemande. Mais aujourd’hui, devant la menace des mêmes dangers qui firent jadis se rapprocher tous ces peuples de la Pologne et se grouper autour d’elle, pour mieux se défendre, on peut se demander si le moment serait bien choisi, pour ces peuples, de se séparer de la Pologne, au lieu de reprendre leur union avec elle et d’en resserrer les liens ?

Sans préjuger de l’avenir, ni vouloir influencer ces peuples dans leur décision, c’est en défense de la cause commune, contre le double danger venant de l’Est et de l’Ouest, que combat actuellement l’armée polonaise.


Comte J. Tarnowski.


Biarritz, 17 Janvier 1920.