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Page:Jean Tarnowski - Ukraine et Galicie.pdf/6

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Mer Noire. À Léon Ier succéda Léon II, dont la fille unique, Marie, épousa le duc de Mazovie, de la dynastie des Piasts, maison royale de Pologne. La loi salique n’existant pas en Ruthénie, après la mort de Léon II, sa fille Marie devint duchesse de Halitch, et transmit son trône à son fils unique Boleslas de Mazovie. Après la mort de Boleslas, décédé sans laisser d’enfants, le duché de Halitch passa au roi de Pologne, Casimir-le-Grand, héritier direct de Boleslas et le dernier de la dynastie des Piasts (1340).

C’est de cette façon que fut accompli le retour à la Pologne de la Ruthénie Rouge, dont la Galicie orientale ne forme qu’une partie, et qui avait été séparée de la Pologne à la fin du dixième siècle. On n’y voit aucune trace de conquête. C’est un territoire polonais qui revint à la Pologne de la façon la plus pacifique. Quant au droit dynastique, il eût été insuffisant pour accomplir seul cette réunion. Les faits le prouvent. Casimir-le-Grand ne put réunir à la Pologne le duché de Halitch, dont il avait hérité, qu’après avoir convoqué une Assemblée nationale mixte, pour lui faire voter cette réunion. Cette Assemblée, réunie à Léopol (Lember, Lwow), en 1340, vota à l’unanimité l’union du duché de Halitch à la couronne de Pologne, mais non sans avoir eu à vaincre une forte opposition, qui ne venait pas des Haliciens, mais des Polonais. Le chef de cette opposition, un des hommes les plus influents en Pologne, Spytek de Melsatyn, suppliait le roi de refuser cet héritage. Il craignait que les intrigues des princes Varègues, qui tenaient encore certaines parties de la Ruthénie Rouge, et la Lithuanie qui n’était pas encore unie à la Pologne et qui avait conquis une partie du duché de Halitch, ne vinssent à créer des embarras à la Pologne. Pour vaincre cette opposition, le roi dut faire appel aux sentiments humanitaires des Polonais. Il les adjura de ne pas abandonner des frères au danger de rentrer sous le joug des Tartares, des Varègues ou des Hongrois, qui attendaient l’occasion de se jeter sur la Ruthénie Rouge. Et enfin, le roi fit valoir des raisons politiques qui brisèrent la résistance des Polonais opposés à cette union. Il leur fit comprendre que le devoir de tous les Slaves était de s’unir et de rester unis, en face de la menace grandissante des musulmans d’Asie, contre les attaques desquels ils avaient à se défendre.

En s’unissant à la Pologne, le duché de Halitch se libérait de toute vassalité envers la Horde. Le Grand-Khan avait envoyé son fils au roi Casimir pour lui annoncer qu’il le libérait de cette vassalité, sachant bien qu’il ne pourrait pas la lui imposer. Et ce duché se garantissait aussi, par son union à la Pologne, contre le danger d’attaques hongroises. Le roi de Hongrie, Louis d’Anjou, recherchait les bonnes grâces de Casimir-le-Grand, pour qu’il le désignât comme son héritier au trône de Pologne. Casimir n’avait pas d’enfants, et d’après les coutumes du pays, le roi présentait son candidat au trône, indiquant de son vivant celui qu’il aurait voulu voir lui succéder.

Cela explique l’insistance avec laquelle les Haliciens réclamaient l’union avec la Pologne. L’ayant obtenue, la Ruthénie Rouge n’essaya jamais de se libérer de ces liens librement consentis. Elle fut encore, dans la suite, séparée deux fois de la Pologne, mais toujours par l’effet d’une force étrangère. Ainsi, au dix-huitième siècle, lors du démembrement de la Pologne, et avant cela, en 1389, ayant été envahie par la Hongrie, où régnait alors Sigismond de Luxembourg, empereur d’Allemagne, mariée à Élisabeth d’Anjou, reine de Hongrie, fille de Louis d’Anjou et sœur d’Hévige d’Anjou, reine de Pologne et femme de Ladislas Jagellon, fondateur de la dynastie jagellonienne. La Ruthénie Rouge, envahie par les Hongrois en 1380, fut libérée de cette invasion par la reine Hedvige, qui, tandis que le roi était occupé ailleurs, se mit à la tête de ses troupes et chassa de la Ruthénie les soldats de sa sœur et de son beau-frère.

Quant au duché de Kiev, il fut délivré du joug des Mongols et de celui des Varègues, par Guédimine, grand-duc de Lithuanie, père d’Olgierd et grand-père de Ladislas Jagellon, grand-duc de Lithuanie par son père et roi de Pologne par sa femme, la reine Hedvige. La Lithuanie se réunit à la Pologne lors du mariage de la reine de Pologne Hedvige d’Anjou avec le grand-duc de Lithuanie Ladislas Jagellon (1386).

Après avoir chassé de Kiev les Tartares et les Varègues, Guédimine annexa ce duché à ses États. Et c’est ainsi que régnèrent à Kiev les Olgierdowicz, dont parle l’auteur et qui n’étaient autres que les Jagellons, rois de Pologne, descendants de Guédimine et d’Olgierd. Ladislas Jagellon, le fondateur de la dynastie jagellonienne, était un Olgierdowicz ; il était le fils aîné d’Olgierd.

3. — En ce qui concerne le peuple ukrainien, on peut réellement parler d’un peuple de ce nom, si l’on comprend sous cette dénomination la population habitant les territoires qui formaient l’ancienne province polonaise d’Ukraine. Mais on ne peut, en aucun cas, parler de langue ukrainienne. On a toujours parlé plusieurs langues en Ukraine, parmi lesquelles le polonais et le ruthène, et aujourd’hui aussi le russe. Le ruthène est un idiome slave qui n’est ni du russe ni du polonais. Et il y a plusieurs langues ruthènes, dont la plus développée n’est pas celle qui se parle en Galicie orientale ou en Ukraine, mais celle qui est parlée dans le Nord, en Ruthénie-Blanche, c’est le blanc-russien. Le blanc-russien était langue officielle en Lithuanie, et même il a toujours été langue de la cour à Vilna. Le code lithuanien était rédigé en blanc-russien. Il est à noter, que la langue