Aller au contenu

Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
le robinson suisse.

avoir bien visé, et assuraient que l’écaille seule du serpent l’avait préservé de leurs balles. Malgré leurs assurances, l’ennemi était sain et sauf, et le danger était toujours là près de nous. Nous nous accordions tous sur les proportions monstrueuses de ce boa, qui en faisaient l’adversaire le plus redoutable que nous eussions eu encore à combattre. Il devait avoir de trente à quarante pieds de longueur sur un diamètre de deux pieds et demi. Contre lui, ce n’était pas trop de toutes nos forces réunies, et encore avions-nous besoin de prendre les précautions les plus minutieuses pour ne pas compromettre la sûreté de l’un de nous. Aussi donnai-je des ordres sévères et précis pour que personne ne dépassât le seuil de la grotte sans mon autorisation expresse, me réservant moi-même de me soumettre à cette consigne, hormis les cas d’absolue nécessité. Puis je barricadai avec plus de soin que d’habitude la porte de l’hésitation, et, pensant que la nuit peut-être nous porterait conseil, j’engageai chacun à se retirer et à chercher dans le sommeil le repos des fatigues de la journée.

Le voisinage du boa nous tint pendant trois jours dans la plus complète réclusion ; il fallait un besoin urgent pour que moi-même je sortisse un instant, et encore avais-je soin de ne jamais m’approcher du marais, ne faisant que juste le nombre de pas nécessaires.

Du reste, aucune nouvelle apparition n’était survenue, et nous aurions pu supposer que l’ennemi avait quitté sa retraite, si nos oies et nos canards ne nous eussent pas avertis de sa présence. Je remarquai effectivement une perturbation complète dans leurs habitudes : le soir, au lieu de se réfugier comme autrefois dans les roseaux ou sur le bord de la baie, nous les Voyions planer pendant quelques instants au-dessus du marais, en donnant des marques de leur effroi, puis prendre leur vol et ne s’arrêter qu’à l’île des Requins.

Chaque jour augmentait nos embarras. Quel parti prendre, en effet ? Nos provisions n’avaient point été faites comme