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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/63

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le robinson suisse.

Jack et Ernest, qui savaient manier des armes à feu. Je pensais en moi-même que tu avais bien fait de leur apprendre, dès leur enfance, à se servir de fusils et de pistolets, malgré toutes mes craintes et les reproches même que je t’adressais alors dans ma tendresse maternelle un peu aveugle.

« Du sommet des hauteurs, nous fumes charmés de l’aspect de cette magnifique contrée, et, pour la première fois depuis notre naufrage, je sentis un mouvement de joie dans mon âme. Je remarquai surtout un petit bois, non loin de nous, et ce fut de ce côté que je dirigeai notre marche. Il nous fallut traverser des herbes fort hautes où nous n’avancions qu’avec peine. Tout à coup, du milieu de ces herbes s’élance avec bruit un oiseau d’une grandeur extraordinaire ; avant que mes deux fils eussent pu l’ajuster, il était déjà bien loin.

« — Nous n’avons pas de chance, dit Ernest : si seulement mon fusil eût été armé dans le moment, je vous assure que l’oiseau serait à bas.

« — Cela n’est pas aussi certain que tu le crois, lui dis-je. Je profite de l’occasion pour te rappeler qu’un bon chasseur doit toujours être prêt. Ne t’attends pas à ce que les oiseaux t’envoient des messagers t’annoncer leur départ.

« — Je voudrais bien savoir, dit Jack, le nom de cet oiseau. Jamais je n’en ai vu de pareil jusqu’à ce jour.

« — C’est un aigle, dit le petit François : dans mes fables, j’ai lu que les aigles sont assez grands pour enlever des moutons : celui-ci est bien de taille à cela.

« — Un aigle ! répliqua Ernest, un aigle ! Crois-tu que tous les gros oiseaux sont des aigles ? Et puis, jamais les aigles ne font leur nid dans l’herbe. Il me semble plutôt que cet oiseau est une outarde, à en juger par les moustaches qu’il a près du bec. Allons toujours voir la place qu’il a quittée. »

« Nous nous dirigeâmes de ce côté, et à l’instant partit