Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haletant, cette voix de Ruskin me hante encore » ).

« En réalité, M. Ruskin n’est pas un orateur. Son éloquence est étudiée, elle n’est pas spontanée ; c’est celle d’un écrivain, non d’un maître de la parole. Sa voix, quoique sympathique, n’est ni forte ni pénétrante ; peu ou point d’action ; mais une qualité fort essentielle pour réussir comme orateur, et que M. Ruskin possède à un haut degré, c’est une remarquable personnalité. Ceux qui l’ont entendu à Oxford ne peuvent oublier cette figure légèrement courbée sous l’ample toge — qu’il écartait souvent quand les plis devenaient gênants — et le bonnet de velours, l’un des restes de l’accoutrement du « gentleman commoner »… L’originalité du costume, — le pardessus léger en laine de ménage, le gilet croisé, la redingote à l’ancienne mode et mal ajustée, la large et inévitable cravate bleue, tout cet extérieur était, en quelque sorte, le reflet de l’originalité de son esprit et de son discours. N’étaient les mains si délicates et les doigts fuselés, dénotant un tempérament d’artiste, on eut pris le professeur d’Oxford pour un gentilhomme campagnard de l’ancien temps. Au repos, les traits de M. Ruskin s’étaient, depuis quelques années, ridés et attristés, mais les yeux bleus perçants sous les sourcils embroussaillés n’avaient jamais cessé de briller des feux du génie, tandis que le sourire qui n’était jamais longtemps absent pendant qu’il parlait,