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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/124

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tement de Déroulède, c’était la voix du peuple qui sommait Loubet de donner sa démission, s’il ne voulait pas qu’on le chassât de l’Élysée comme un laquais[1]. Sabran, qui rivalisait avec Guérin de violence, somma les généraux de se servir enfin de leurs armes et de « fourrer dedans les scélérats qui gouvernaient la France[2] ».

Dupuy, comme en février, massa de grandes forces de police partout sauf où il l’eût fallu. (Dimanche 4 juin.) Il fit garder l’Élysée et le ministère de l’Intérieur, échelonna quelques escouades le long du parcours de Loubet, mais ne prit aucune précaution pour l’arrivée à l’hippodrome d’Auteuil[3]. Dès que le Président y parut, un ignoble tapage éclata : « À bas Loubet ! À bas Panama ! Démission ! » ; la bande des manifestants comprenait deux à trois cents individus, gens du monde et valets d’écurie, et pas mal de ligueurs à qui Barillier avait donné des cartes de pesage à 20 francs[4]. Nulle

  1. Libre Parole du 1er juin 1899 : « Déroulède acquitté, c’est Loubet condamné. » Papillaud annonçait que cet homme « taré », « se faisant justice lui-même », allait démissionner. De même Rochefort, Judet, Quesnay, etc.
  2. Clairon du 4 « Les acclamations qui ont salué l’armée à l’occasion de Marchand la convient à cette œuvre d’assainissement national, qu’elle n’a que trop fait attendre. » — L’article de Guérin est intitulé : « Aux armes, généraux ! »
  3. Haute Cour, I, 85, rapport de police du 5 juin : « Hier, une surveillance a été organisée par la brigade sur une partie du parcours que devait suivre M. le Président de la République pour aller assister au grand steeple-chase d’Auteuil. » — Chambre des Députés, 5 juin, discours de Dupuy : « Nous nous étions efforcés, et nous y avons réussi, de faciliter l’aller et le retour… La police avait placé dans l’enceinte du pesage et aux tribunes un très grand nombre d’agents en bourgeois. »
  4. Haute-Cour, I, 24, rapport Hennion ; 87, liste des individus arrêtés le 4 juin ; VII, 100, note annexe aux réquisitoires du procureur général ; récit de la comtesse Tornielli dans le Figaro du 5 juin ; Libre Parole : « La foule crache, à pleine gorge, son écœurement. Sur la pelouse, on rosse les dreyfusards. »