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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/348

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

L’attitude des amis de Mercier, pendant sa déposition et au sortir de l’audience, ajouta beaucoup à la confiance des revisionnistes. Les plus hardis essayaient en vain de commander à leurs visages ; on y lisait leur désappointement et leurs craintes : « Que restera-t-il de lui, demain, après sa confrontation avec Casimir-Perier, les questions des avocats, surtout celles de Labori ? Qui arrêtera-t-on encore ? » Plusieurs s’effrayèrent tout haut. Il n’y en avait pas un qui ne se souvînt, à ce moment, de l’avertissement de Cassagnac : « Prenez garde, avait-il dit aux généraux, ou vous fûtes de prodigieux imbéciles, des brutes malfaisantes, des scélérats, ayant assassiné un innocent, ou vous fûtes les vengeurs vigilants de la patrie menacée par un traître ; vous êtes, autant que Dreyfus, sur le banc des accusés[1]. » Le bruit courut que Billot et Zurlinden, « qui s’étaient engagés par esprit de corps », trouvaient qu’ils avaient payé leur dette et allaient convenir de leur erreur.

Mais Mercier, vite remis du trouble passager que lui avait causé l’apostrophe de Dreyfus, considéra, au contraire, qu’il n’avait rien compromis, et, d’abord, parce que cette déception des siens et la joie des adversaires, c’était le signe certain que sa manœuvre à grand rayon avait échappé à tous les yeux.

Les nouvelles de Paris le laissèrent assez indifférent ; les affaires du prétendant ne sont pas les siennes et il aime mieux Déroulède à la Conciergerie, dans l’impuissance de faire des sottises, qu’à ses trousses.

Pas plus que les villes, on n’assiège tous les hommes de la même façon. Mercier avait eu vite fait d’être ren-

  1. Autorité du 10 août 1899.