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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/414

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


médecins pour dépourvus de complaisance[1], — Du Paty souffrait d’une congestion du foie, de troubles cardiaques et de coliques, — et, dès lors, à l’interroger dans sa chambre de malade. Bien que les avocats de Dreyfus eussent le droit d’assister à la déposition et d’y poser des questions comme à l’audience, ils restèrent tous deux à Rennes.

Tavernier, désigné par Jouaust, ne voulut être qu’un greffier, recueillit, sans une seule observation, le récit de Du Paty qui dura trois séances, parce qu’il se disait, au bout d’une heure, trop fatigué pour continuer[2]. Toujours la même façon de travestir la vérité sans tomber dans le gros mensonge, de flotter entre le pour et le contre. Il n’aurait qu’un mot à dire : « Je me suis trompé de bonne foi. » Mais il ne le dit pas. Et il ne dit pas non plus qu’il ne s’est pas trompé, ni qu’il persiste à croire Dreyfus coupable. Il ne dit même pas qu’à aucun moment de son enquête de 1894, il en ait eu la certitude ; des pièces secrètes, dont « il a établi le commentaire sous la direction de Sandherr[3] », il a conclu seulement « qu’il y avait un traître à l’État-Major, que ce traître était un officier, qu’il appartenait ou qu’il

  1. Les docteurs Ménard et Poupet : « Congestion hépatique accompagnée d’une légère teinte ictérique avec crises douloureuses, vomissements et diarrhées ; troubles cardiaques se traduisant par de la lenteur du pouls, 50 à 64, et à des intermittences. » (Certificat du 25 août 1899.
  2. 29 et 31 août, 1er septembre. — La déposition de Du Paty fut lue par le greffier à l’audience du 6. (Rennes, III, 503 à 514.)
  3. Il ne dit pas qu’il en avait conservé un brouillon. Précédemment, à l’enquête de la Cour de cassation, il avait déclare : « Les pièces énumérées par le colonel Picquart faisaient partie de celles qui m’ont passé sous les yeux ; je ne m’en souviens pas assez pour pouvoir les énumérer moi-même. » (I, 442.) À l’enquête de 1904, il se décida à verser à la procédure le brouillon de sa « concordance ».