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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/440

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Voulet se porta au village de Dankori, envoya à Klobb sa réponse : qu’il ne se laisserait pas voler sa gloire, qu’il avait avec lui 600 fusils et que, si le colonel avançait, il le traiterait en ennemi[1]. Chanoine, avec le gros de la troupe, resta au camp. Les autres officiers (Joalland, Pallier) ne furent pas admis à la confidence.

Klobb crut que Voulet n’oserait jamais. Le matin du 14 juillet, Voulet rangea ses noirs en bataille, laissa approcher à cinquante mètres le vieil Alsacien qui venait à lui à cheval, levant la main en signe de paix et escorté de ses quelques hommes à qui il avait défendu de tirer, même en cas d’attaque, et qui avaient déployé le drapeau. Voulet, comme fou, lui hurla quelques injures, puis donna le signal. — D’un poste avancé du camp, le sergent Dumba entendit « quatre feux de salve suivis de feux à volonté[2] ». — Klobb tomba mort à la deuxième salve, le lieutenant Meynier s’abattit à côté de lui, grièvement blessé. L’escorte prit la fuite, mais revint peu après pour l’ensevelir[3].

Voilà ce qu’apprenaient les dépêches du Sénégal (20 août).

On ne sut que le mois suivant la fin du drame.

Quand Voulet rentra au galop au camp de Lamare, il cria à Chanoine et aux deux autres officiers, dès qu’il les vit : « Ne me touchez pas la main avant de m’avoir entendu. » Et il raconta son crime : « Maintenant, je suis

  1. Lettre au crayon, sans date. (Rapport Grandeyre.)
  2. Rapport Joalland.
  3. Rapport Grandeyre : « Dès les premiers coups de feu, le colonel était blessé à la cuisse droite, Meynier recevait une halle dans le ventre… Le sergent Mamadou-Ouahi demanda la permission de tirer : « Non, non, pas de coups de fusil, ne tirez pas », répondit le colonel, immobile sur son cheval… fresque aussitôt une nouvelle décharge le tuait roide d’une balle dans la tête. »