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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/448

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pabilité de l’accusé ». Ainsi, par la découverte la plus subtile, la Science confirme les présomptions des chefs et des camarades du juif ; surtout elle ramène à la version du bordereau annoté, qui est le nœud de l’Affaire ; bien plus, elle en donne une preuve nouvelle, en permettant de démêler dans les aveux d’Esterhazy le vrai et le faux. Et voici le chef-d’œuvre de Valério : « Esterhazy a prétendu être l’auteur du bordereau. — Il peut dire : « Je l’ai obtenu de mon écriture naturelle. » Nous répondrons : « Ce n’est pas vrai, parce qu’il est démontré péremptoirement et géométriquement que le bordereau est un document forgé. » — Esterhazy a pu écrire sur la chaîne ? Alors il faudrait qu’il nous prouve, « non seulement » qu’il la possédait dès 1894, « mais encore, ce qui est impossible », qu’il aurait pu intercaler dans le bordereau les mots : « dernier, couverture, quelques renseignements », qu’on retrouve dans la lettre du buvard de Dreyfus. — Donc « il peut » seulement « avoir obtenu le bordereau par décalque ». Et, sans doute, « le décalque a pu altérer le graphisme de l’écriture, mais il n’a pu en altérer les propriétés géométriques, et les conclusions doivent rester les mêmes[1] ». C’est-à-dire que Dreyfus seul peut avoir écrit matériellement le bordereau, — sur papier fort, — et qu’il fait dire à son « homme de paille » que c’est lui, Esterhazy, qui l’a décalqué.

Encore une fois, les avocats laissèrent passer ces allusions à un deuxième bordereau, parce qu’ils n’y comprenaient rien, mais comme s’ils avaient eu peur de s’y brûler.

De même les « chartistes », Paul Meyer, Molinier, Giry, n’aperçurent pas la nouvelle fraude, s’attachèrent seulement à démontrer que Dreyfus n’avait pas décalqué

  1. Rennes, II, 397, Valério.