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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


incomplète », « un simple renseignement » ; maintenant, il offre résolument tout son témoignage : « Je joins à ma lettre une déposition complémentaire. »

Il n’avait parlé à Quesnay que d’un seul espion, un juif, dont un « camarade » allemand lui avait révélé la trahison ; à Jouaust, dans sa déposition complémentaire, il déclare qu’il connaît les noms « de quatre et même de six personnes aux gages de différentes nations étrangères » ; ces noms lui ont été confiés, en août 1894, par un diplomate qui lui voulait du bien, « parce que ces personnes auraient pu devenir dangereuses pour sa sécurité en lançant contre lui, à l’instigation d’une de ces puissances, des dénonciations calomnieuses » ; le récit du diplomate lui a été ensuite confirmé, en septembre de la même année, d’abord à Genève, puis à Paris, dans un hôtel meublé de la rue Lafayette, par un officier supérieur allemand, attaché à la personne de son souverain, qui voyageait sous des noms d’emprunt et se faisait passer pour un commerçant ; et « le premier, le plus important de ces espions, était Dreyfus ». L’officier, qui correspondait directement avec Dreyfus, lui a montré un lot de « documents militaires français de première importance » qu’il tenait de son agent, notamment « des cartes de mobilisation, des graphiques des chemins de fer de l’Est, avec des annotations remarquables sur les quais d’embarquement », et « des renseignements sur la réorganisation des différents corps de troupes ». « En France, dit l’officier, on peut tout avoir en y mettant le prix. » Puis, « deux jours après, il quittait précipitamment Paris ; son départ avait l’apparence d’une fuite ; et, à quelque temps de là, les journaux annonçaient l’arrestation de Dreyfus ». Aussi bien Cernuski « a déjà relaté tous ces faits, vers la fin de 1896, à un agent du ministère de la Guerre »