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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/492

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cès[1]. L’audition de Cernuski était une occasion trop belle pour ne pas la saisir. Pour Demange, il connaissait l’échec des pourparlers avec Bulow, n’était pas autorisé à en parler, et, d’ailleurs, Labori ne lui dit rien de son dessein, non plus qu’à Mathieu.

Les opérations, dans l’autre camp, étaient conduites avec une autre méthode ; rien n’y était livré au hasard.

Labori s’écria donc que l’introduction d’un étranger dans l’affaire, et cela d’office, par la volonté du président du conseil de guerre, levait les scrupules de la défense (qui n’avait voulu jusqu’alors, pour innocenter Dreyfus, que d’une lumière française), et qu’en conséquence il proposerait à la prochaine audience, par des conclusions, que les notes du bordereau fussent réclamées « à qui de droit », par la voie diplomatique, et versées au dossier.

Ainsi, à la dernière heure, à la veille des plaidoiries, le procès rebondira, le coup de Cernuski se retournant contre Mercier, contre le parterre de généraux qui s’étaient mis en grand uniforme pour voir assassiner Dreyfus par un ancien officier de la Triple-Alliance.

Les revisionnistes, après la séance, entourèrent Labori, lui firent compliment de son offensive et le poussèrent à réclamer, par surcroît, les témoignages de Schwarzkoppen et de Panizzardi. Il fut, sans perdre un instant, de cet avis qu’il avait déjà soutenu au procès de Zola. La procédure régulière, qu’il connaissait, eût été l’envoi de commissions rogatoires aux deux officiers. Mais, emporté par le mouvement, il dit, ce qui se répandit aussitôt, qu’il allait les citer directe-

  1. Rennes, III, 316, Labori : « Eh bien ! j’ajoute que je me propose moi-même — après avoir mûrement réfléchi, mais je le dis dès à présent — de déposer des conclusions… etc. »