Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
483
RENNES


ment, « les appeler devant le conseil de guerre[1] ».

Demange refusa de s’associer à ces manifestations, les jugeant inutiles ou irritantes ; Mathieu y consentit, non qu’il partageât l’espoir des militants « que, la voie des témoignages étrangers une fois ouverte, le conseil de guerre ne pourrait s’empêcher d’aller jusqu’au bout[2] » ; mais parce que le fait pour son frère de réclamer le témoignage de Schwarzkoppen montrait, une fois de plus, qu’il n’avait rien à en redouter.

Il n’y avait, en effet, qu’un moyen de contrôler les récits de Cernuski : c’était d’en appeler à l’homme qui avait entretenu à Paris, pendant des années, des espions civils ou militaires, de lui demander les fameuses notes. N’y eût-il qu’une chance sur mille de faire parler publiquement Schwarzkoppen, Mathieu pensa qu’il fallait la tenter.

Mercier, d’autre part, prit ses précautions qui étaient d’opposer le bon étranger au mauvais ; tous ses hommes de plume développèrent le même thème que le témoignage de Schwarzkoppen, « intéressé à couvrir son traître », serait une « bouffonnerie », mais que « le bavardage échappé, devant un officier autrichien, à un officier d’État-Major allemand », était une preuve décisive, « une grosse ordure tombée sur le Syndicat[3] ». Barrès, surtout, y insista. Il était de beaucoup trop pénétrant pour s’être laissé prendre à Cernuski, mais il avait entrepris, par perversité, d’aider à la recondamnation de

  1. Rennes, III, 382, Labori : « Je crois nécessaire, s’ils veulent bien s’y rendre, de les appeler devant le conseil de guerre et de les faire déposer devant lui. » — Lettre de Gast : « C’est la vraie bataille, le vrai procès qui commence seulement. »
  2. Clemenceau dans l’Aurore du 5 septembre 1899.
  3. Barrès, dans le Journal du 5. — De même Humbert, dans l’Éclair : « Le témoignage si écrasant, dans sa précision, de l’ex-officier serbe. »