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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/512

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Mercier sentit de nouveau que la victoire pliait, fit donner la garde, donna lui-même.

Le 6, dans l’édition du soir de la Libre Parole (qui n’arrivera à Rennes qu’après la clôture des débats), Drumont raconte, à nouveau, le secret de « l’horrible affaire ». « Des considérations diplomatiques (ou d’un autre ordre) ont empêché de communiquer aux juges la photographie du vrai bordereau, annoté par l’Empereur. » L’article, signé Memor, est intitulé : Les deux bordereaux.

Quelques rares revisionnistes lisaient cette deuxième édition de la Libre Parole ; aucun ne pensa à télégraphier à Labori ou à Demange, qui eussent été encore à temps pour mettre Mercier et Boisdeffre en demeure de s’expliquer. Peut-être, c’eût été le salut. Peut-être aussi les avocats eussent-ils dédaigné l’avis, comme ils avaient fait précédemment, quand Clemenceau signala à Labori l’article du Nouvelliste[1]. L’énorme absurdité du mensonge le protégea, le couvrit jusqu’à destination.

Il n’y a pas de doute que l’article fut écrit par ordre de Mercier, comme l’avait été la lettre « ouverte » d’Arthur Meyer, pour servir de commentaire à sa déposition. Ainsi s’explique la fameuse phrase sur l’Empereur allemand « qui s’occupait personnellement des affaires d’espionnage », et « correspondait directement avec les chefs des agences de Paris, de Bruxelles et de Strasbourg ». « Si Mercier, conclut Drumont, avait eu la possibilité d’achever sa pensée, quelques mots auraient suffi pour dissiper les dernières ténèbres. »

  1. Voir p. 440. — Le Gaulois, du 4 septembre 1899, était également revenu sur le « mystère » de l’Affaire : « Comment, à propos de cet homme, avons-nous pu, une certaine nuit, friser la guerre de si près ? » — Le 21, la Croix reprit toute l’histoire : « Le général Mercier possède une des photographies du bordereau ; sept autres personnes en possèdent un exemplaire. »