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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/562

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Elle ne le grandira pas dans l’estime des hommes, ne le rapprochera pas de la justice définitive et rendra plus difficile la grâce, cette grâce qui ne sera pas seulement libératrice pour lui.

Je cherchai, nous cherchâmes ensemble une objection qui ne serait pas de la rhétorique. Tant d’événements tragiques, après nous avoir divisés jusqu’au duel, puis réconciliés dans la même bataille pour la Justice, nous avaient fait alors les mêmes yeux. Mais réussirais-je à persuader Mathieu Dreyfus ?

Millerand se rendit alors chez Waldeck-Rousseau, qui lui dit que Loubet consentait à la grâce et que Galliffet en ferait la proposition au conseil du lendemain, si, d’ici là, le pourvoi était retiré.

IV

Quand j’arrivai, vers cinq heures, aux bureaux du Radical, j’y fus mal accueilli. Jaurès et Clemenceau, déjà informés par Victor Simond, se prononçaient résolument contre le retrait du pourvoi, et s’étonnaient ou, plus exactement, s’indignaient que j’en fusse d’avis. Ils répétaient : « C’est la honte ! c’est le déshonneur ! » Tout ce que j’essayai de leur dire ne fit que les irriter davantage. Simond fut seul à m’appuyer, Sigismond Lacroix inclinait au maintien du pourvoi, et Ranc, encore perplexe, gardait le silence.

Arrive Mathieu Dreyfus, à qui Jaurès raconte les derniers incidents et qui s’écrie aussitôt : « Non ! Jamais je ne conseillerai à mon frère de retirer son pourvoi ! Il mourra en prison ; sa mort sera sur la conscience des ministres ! — Ah ! voilà qui est parler, s’écrie Clemen-