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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/79

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CHAMBRES RÉUNIES


qu’il n’en était rien, ce qui était exact, sauf pour la lettre du 27, qui, en effet, avait été partiellement lue, Freycinet vit dans cette erreur le moyen de prendre Paléologue en faute et de discréditer son témoignage, et il lui opposa les affirmations de ses officiers, du premier Président et du greffier[1]. Mais Delcassé ne lui permit pas de rompre les chiens ; il convint qu’il s’était trompé en ce qui concernait la troisième lettre, approuva son délégué de l’avoir produite et maintint énergiquement le reste de son démenti[2]. Freycinet, ainsi réduit au silence, communiqua à Cuignet les lettres qu’il avait échangées avec son collègue ; Cuignet, tranquillement, en prit copie[3].

Quelque domestiqué qu’il fût par ses subordonnés et quelle que fût sa crainte de Drumont, Freycinet n’insista pas et, même, feignit d’abord de battre en retraite. Chamoin, qui était aussi prudente et discrète personne que Cuignet était intempérant et présomptueux, se chargea de l’opération. Ayant demandé, dès le lendemain, à déposer, il expliqua que le texte, reconstitué en 1898 « de mémoire », n’était ni un faux ni une pièce authentique ou probante, mais seulement « un document destiné à rappeler, dans le dossier, l’existence du télégramme du 2 novembre » ; que le ministère de la Guerre avait été fondé à hésiter entre des versions « contradictoires » (ce qui était inexact) d’une même dépêche ; mais qu’il était tout prêt à s’incliner devant le déchiffrement que ferait la Cour du texte original[4]. Après avoir pris connaissance du dossier de Paléologue et discuté fort courtoisement avec lui, il fut convenu

  1. Lettre du 20 avril 1899.
  2. Même date.
  3. Voir p. 84.
  4. 21 avril. (Cass., II, 13, Chamoin.)