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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/81

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CHAMBRES RÉUNIES


avait plus qu’un moyen de ne pas se dédire, c’était de taxer de faux le décalque qui avait été produit par Delcassé et Paléologue.

C’est ce qu’il raconta à Freycinet, puis à Dupuy, que Freycinet avait fait venir dans son cabinet pour écouter ces divagations, enfin, et toujours par ordre de Freycinet, à Mazeau, devant le greffier Ménard[1]. Il ajouta que l’écriture du décalque n’était pas celle de Panizzardi.

Si Freycinet, l’intelligence la plus fine et la plus pénétrante, n’avait pas été (à la lettre) abêti par la peur, il eût fait observer à Cuignet que les diplomates, d’ordinaire, ne chiffrent pas eux-mêmes leurs dépêches ; surtout, il était matériellement impossible que le décalque de l’Administration des Postes fût un faux. En effet, ce décalque était muni des cachets du bureau d’expédition, avec la date[2] ; et, dès lors, pour que ce fût un faux, il n’aurait pu être commis que le jour même, par un employé du télégraphe qui aurait deviné instantanément le chiffre de Panizzardi, aurait eu intérêt à disculper Dreyfus et, en conséquence, aurait remplacé le groupe qui le chargeait par un groupe qui le déchargeait. Mais, chose plus extraordinaire encore, ce décalque, qui était un faux, donnait un texte que Panizzardi déclarait conforme à celui qu’il avait écrit ou dicté ; et, si l’on objectait que

  1. 24 avril 1899. — Cuignet, dans une lettre du 17 décembre à Waldeck-Rousseau, raconte lui-même ces incidents ; Maurras, le confident (ou l’inspirateur) de Cuignet, y revint dans plusieurs articles. (Soleil du 5 décembre 1903, etc.)
  2. Lettre du chef de cabinet du sous-secrétaire d’État des postes à la Cour de cassation, du 22 avril 1899 ; discours de Delcassé en réponse à celui de Lasies (Chambre des députés, séance du 15 décembre 1900). L’authenticité du décalque fut reconnue, non seulement par la Cour de cassation, mais par le conseil de guerre de Rennes.