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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/18

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


déposée contre lui et que la Cour de cassation n’avait pas réussi à écarter pour l’affaire Boulot et celle des pigeons[1], et il se préoccupait, non sans raison, d’échapper aux juges militaires qui ne l’épargneraient pas plus, pensait-il, que Dreyfus.

La procédure à laquelle il avait songé pour ne point passer en conseil de guerre et pour éviter ainsi à l’armée une nouvelle injustice semblait, à première vue, très praticable. Il s’agissait d’obtenir de Galliffet qu’il ordonnât, ou fit ordonner par le gouverneur de Paris, un supplément d’enquête qui aboutirait à un non-lieu[2]. Picquart me pria, et j’acceptai aussitôt, de lui ménager une entrevue avec Millerand. Les bonnes dispositions de Millerand m’étaient connues et il s’était mis en crédit auprès de Galliffet[3].

Bien que les ministres fussent déjà d’accord pour « liquider » par l’amnistie toutes les affaires connexes qui avaient précédemment été ajournées, à savoir : la demande de mise en accusation contre Mercier, le procès en espionnage contre Picquart, la plainte des officiers du premier conseil de guerre contre Zola et celle de Mme Henry contre moi, Millerand ne se refusa pas à examiner le moyen que nous lui indiquions pour mettre

  1. Voir t. V, 141.
  2. « Picquart demandait une enquête supplémentaire d’où le non-lieu serait nécessairement sorti. » (Clemenceau, Injustice militaire, 387.)
  3. L’entrevue eut lieu le 4 octobre. Picquart m’écrivit le lendemain qu’il avait été très satisfait de son entretien avec Millerand : « Je vous remercie beaucoup de m’avoir fait faire sa connaissance. » Millerand m’avait écrit précédemment : « Dès maintenant, je crois pouvoir vous dire qu’il n’y a rien à craindre, car nous avons causé de l’affaire de Picquart et il a été formellement entendu qu’elle serait ajournée en attendant l’heure où elle pourrait, avec quelques autres, être définitivement liquidée. » (24 septembre 1899.)