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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/191

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LE BORDEREAU ANNOTÉ

Zola écrivit le troisième de ses « Évangiles[1] » : après Fécondité et Travail, où il a ébauché la cité future, Vérité, transposition de l’Affaire dans le monde des instituteurs laïques en lutte avec les ignorantins. Dreyfus devient le maître d’école juif Simon, accusé d’un crime contre nature, Du Paty le frère Fulgence, Henry le père Philibin, Esterhazy le frère Gorgias. Fiction lourde, mais où passe un souffle chaud ; où éclatent des visions lumineuses. Il a l’instinct de la vérité, la sent de loin. « On remarqua (au procès de Rozan, c’est-à-dire de Rennes) qu’un des jurés fit poser à Gragnon (Mercier) une question à laquelle personne ne comprit rien[2]. » C’est la question de Brogniart : « N’a-t-on jamais fait l’hypothèse que le bordereau sur papier-calque pouvait être la copie d’un bordereau original[3] ? » — le bordereau annoté.

Le premier volume de mon histoire (Le Procès de 1894) opéra quelques conversions. Chuquet m’écrivit que, par moi, enfin, il voyait clair. Cela m’encouragea fort. Pour mon second volume (Esterhazy), je n’hésitai pas à m’adresser aux Allemands. Le vieux Munster, qui avait pris sa retraite comme ambassadeur et écrivait ses Mémoires, me raconta ce qu’il savait des relations orageuses de Schwarzkoppen avec Esterhazy. Schwarzkoppen, que je vis à Berlin, s’abrita derrière sa consigne ; il convint pourtant qu’il avait tout dit à Munster ; s’il est interrogé selon le protocole diplomatique, il répondra[4].

  1. Voir t. IV, 137.
  2. Vérité, 515.
  3. Rennes, t. I, 149.
  4. Cour de cassation, 2 mai 1904, Reinach.