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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/194

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Dreyfus, s’était concerté avec Monis pour en appeler à la Cour de cassation, qu’il avait pressenti Galliffet et que le général avait résumé dans une lettre ses objections et ses craintes[1]. Judet, après avoir fort déblatéré contre Galliffet tout le temps qu’il était ministre, alla le voir dans les derniers jours de la période électorale[2]. Le général n’avait pas revu Waldeck-Rousseau depuis sa démission, lui gardait rancune, surtout de ses propres torts, se répandait en commérages[3].

Il accueillit donc le journaliste, à qui, en d’autres temps, il aurait fait passer la porte au premier mot et se laissa questionner par lui. Il savait se taire, même quand le secret professionnel ne lui en faisait pas un devoir ; mais sa parole, une fois qu’elle était débridée, l’emportait, ou il se laissait complaisamment emporter par elle.

Galliffet, à en croire Judet[4], lui aurait conté qu’il avait été, tout le long du procès de Rennes, en lutte contre Waldeck-Rousseau. Le mot d’ordre de ses collègues était : « Nous sommes ici pour faire acquitter Dreyfus[5]… » Waldeck-Rousseau voulait qu’il fît presser sur les officiers par le général Lucas. Enfin, il s’était refusé à laisser déférer à la Cour de cassation le jugement du conseil de guerre, décidé à se démettre plutôt que d’y consentir, et il l’avait écrit, en propres termes, à Waldeck-Rousseau. Il alla chercher la lettre

  1. Voir t. V, 537 et Appendice IV.
  2. Rapport Beauregard, 124, Judet : « Ma religion a été éclairée dans une conversation d’environ deux heures avec le général Galliffet, un matin du mois d’avril 1902. »
  3. Gaulois du 14 décembre 1902.
  4. Rapport Beauregard, 124, Judet.
  5. Voir t. V, 246, sa lettre du 17 juillet 1899 : « Je quitterais plutôt que de m’exposer à perdre la partie par la maladresse des autres. »