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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/205

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LE BORDEREAU ANNOTÉ


demande principale (l’enquête), et des deux moyens de la partie plaignante. Ni l’un ni l’autre ne peut être accepté, car il est certain que je n’ai pas visé Mme Henry, certain aussi que, « dans mon effort pour dégager la vérité », j’ai été de bonne foi. Si je me suis ou non trompé dans mon hypothèse sur l’association entre Esterhazy et Henry, il est superflu de le rechercher par une enquête, puisque je n’ai commis à l’égard de la plaignante ni délit ni faute d’aucune sorte.

Ordonner l’enquête, c’était rouvrir l’Affaire ; « les magistrats en frémirent[1] ». Ne pas l’ordonner, refuser toute démonstration, toute tentative de preuve, ce n’était pas reconnaître que j’avais découvert la vérité, mais c’était s’interdire de prétendre que j’avais diffamé Henry, puisqu’on me refusait le moyen d’établir que je ne l’avais pas diffamé. Le président Ditte et ses collègues s’appliquèrent à mécontenter tout le monde et y réussirent.

il n’y avait aucun « attendu » de ce long jugement dont l’« attendu » suivant ne fût la contradiction ou l’atténuation, « Je n’ai pas eu d’autre but dans mes articles que la recherche de la vérité » et « je n’ai pas en l’intention de porter atteinte à l’honneur de Mme Henry et de son fils » ; cependant « j’ai eu le tort d’oublier les égards dus à la douleur d’une veuve et à la faiblesse d’un enfant qui venait de perdre son père ». « Je n’ai pas commis le délit d’outrage à la mémoire des morts » qui implique « la volonté de nuire aux héritiers » ; mais j’ai méconnu « la solidarité d’honneur qui, dans l’état actuel des mœurs, unit les membres d’une même famille, même au delà du tombeau », « Il y a faute à ma charge », car, au lieu de faire de mes hypothèses et de

  1. Varennes, dans le Figaro du 13 juin 1902.