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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/221

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LE BORDEREAU ANNOTÉ


lons de l’affaire Dreyfus, et je n’en parle jamais. Il ne faut pas en parler, vous ne pouvez pas savoir. — C’est donc le dossier secret qui vous a édifié ? — Non, non, ne m’en parlez plus. — C’est donc la déposition secrète de ce misérable Cernuski ? — Non, d’aucune façon. Ne vous occupez pas des dépositions ; on ne peut pas se faire une impression sur elles. Nous avons eu des éléments que vous ne pouviez pas connaître et qui nous ont fixés. — Enfin, le bordereau est d’Esterhazy, il ne peut y avoir de doute. — Laissez de côté le bordereau et Esterhazy, tout cela n’a rien à faire là-dedans. » (Voici Merle acculé, mais, disons-le : cet homme qui ne veut point parler se laisse faire trop aisément, pousser, avec trop de complaisance, au mur.) Dumas : « Mais alors, ce serait donc vrai, cette abominable histoire d’un bordereau portant une annotation signée de l’Empereur d’Allemagne, d’un bordereau sur papier épais, où Dreyfus serait nommé dans l’annotation ? — Quoi ? que dites-vous ? » Et il « paraissait stupéfait et épouvanté » : « Il ne faut pas parler d’une affaire pareille ; elle pourrait remonter sur l’eau. — Mais elle y est remontée, commandant ; une enquête va être demandée par la famille. — Ne parlez pas de cela, je ne veux pas en parler. » Et « il fuyait, raconte Dumas, marchait vite, agité ». Mais Dumas insiste, lui apprend que c’est Mercier lui-même qui a parlé, « à la princesse Mathilde, dit-il, et à Émile Ollivier[1] », et il s’applique à lui démontrer la fausseté de la pièce. « Non, non, s’obstine Merle, il était coupable. » Et surtout, qu’il soit vrai ou non que Mercier ait divulgué la redoutable histoire (qui ne peut être connue sans inconvénient que des officiers) : « En tout cas, ce n’est pas moi ; non, ce

  1. Voir p. 205 et p. 207 ; ce fut Boisdeffre qui parla à la princesse et un ami de Mercier à Ollivier.