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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/246

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


quand il était « le Français par excellence » et « l’incorruptible ». Et lui, qui se sentait toujours le même, et qui l’était en effet, aussi piètre de figure et aussi étriqué d’esprit, la même âme sèche et dure dans le même corps débile et jaune, plein de haine pour tous ces hommes qu’il avait involontairement trompés, mais qui avaient mis tant de complaisance à l’être, il leur parla sur le même ton d’autorité qu’aux heures de sa toute-puissance et sans rompre d’une ligne : « Vous jouez une pure comédie… Je n’ai tenu aucun compte du jugement que le général de Pellieux aurait porté sur ses chefs… » Il revendique « l’entière responsabilité » de tout ce qui s’est passé sous son administration. Se croit-il, est-il encore ministre de la Guerre ? « J’apporte aux hommes qu’on a mis en cause — Gonse, Boisdeffre, les chefs qui ont fait travailler Pellieux sur des faux — le témoignage de mon entière confiance ».

Brisson, et c’était bien son droit, guettait Cavaignac depuis quatre ans. Il l’avait connu enfant, l’avait appelé pour la première fois au pouvoir[1], félicité, un jour, « de marcher sur les traces » du grand républicain « dont il portait le nom et le prénom » et de « suivre sa tradition[2] ». À présent, il se reprochait comme une faute envers les républicains la confiance qu’il avait eue en lui, et considérait que son devoir était de l’écraser.

Il ne fera « qu’une constatation », mais elle lui paraît décisive : Cavaignac, dit-il, ayant connu le 14 août la découverte de Cuignet, n’en a averti le Président du

  1. Comme sous-secrétaire d’État à la Guerre dans le premier ministère Brisson (avril 1885).
  2. « Un jour, à la tribune, j’ai rappelé… etc. ».