Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/247

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LE BORDEREAU ANNOTÉ


Conseil que le 30 ; et, cherchant le motif de ce silence, il l’aperçoit dans le voyage que son ancien ministre a fait le 23 au Mans. Cavaignac s’y est rencontré, « a pu sans doute se concerter sur la conduite à tenir avec le général Mercier qui commandait le corps d’armée ». — Puis, tenant son hypothèse pour une certitude[1] : « Voilà ce que vous avez fait, Monsieur Cavaignac… Eh bien ! bénissez l’amnistie, car si elle n’avait pas été votée, vous mériteriez d’être mis en accusation. Mais que serait-il besoin d’un châtiment matériel en présence du châtiment moral qui pèse sur vous et qui vous atteint ? Ce parti républicain qui vous couvrait de ses acclamations il y a quelques années, lorsque vous déposiez des projets de réforme démocratique (un projet d’impôt du revenu), ce parti, regardez-le, entendez-le, écoutez-le[2] ! »

Mais les gauches l’avaient bien plus applaudi quand, portant à la tribune les faux d’Henry et les mensonges de Lebrun-Renaud, il avait proclamé que « la culpabilité de Dreyfus était ainsi établie d’une façon irréfu-

  1. Brisson, à cette époque, n’avait encore qu’une connaissance incomplète de l’Affaire. Pendant la période électorale, dans l’une de ses conférences de la salle du Globe, il s’était expliqué ainsi sur le faux Henry : « Je connais l’objection que l’on fait, à savoir que le faux Henry est postérieur à la condamnation de 1894. Je le veux bien. Je ne sais pas comment la chose est prouvée, et cependant cela a de l’importance, car nous savons depuis le procès de Rennes, qu’un certain nombre de pièces — nous ignorons lesquelles — ont été communiquées secrètement aux juges de Dreyfus, sans l’avoir été soit à la défense, soit à l’accusé. Néanmoins, Je l’admets, je reconnais qu’il est probable que le faux Henry est postérieur à la condamnation de 1894. »
  2. « La vigueur dont Brisson a fait preuve est d’un bon augure. Elle montre que cet ancien chef du gouvernement cherche à faire oublier les lourdes fautes et surtout le manque d’énergie qu’il a eu à se reprocher en 1898. » (Picquart, dans la Gazette de Lausanne, du 8 avril 1903.)