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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pable, dès qu’il sortait des mathématiques, de raisonner simplement.

André s’étant fait remettre le « faux Henry », la fausse lettre de Panizzardi : « Je dirai que jamais j’avais de relations avec ce juif ; c’est entendu…[1] », et la pièce dite de comparaison, qu’Henry avait également fabriquée : « C’est entendu… J’ai invité trois de mon ambassade dont un seul juif…[2] », les examina de très près, les tournant et retournant, comme avait fait autrefois Cuignet et les regardant à la loupe[3]. Cuignet, à la lueur de la lampe, s’était aperçu que les quadrillés de papier étaient, sur chacune des deux pièces, de teintes différentes. André, parce qu’il n’ignorait point cette anomalie qui était universellement connue, la constata en plein jour, par simple transparence, sans avoir besoin de tirer les rideaux et d’allumer une lampe, comme avaient dû faire Cavaignac et Roget lorsque Cuignet leur fit part de sa découverte[4]. André en conclut aussitôt que les choses n’avaient point dû se passer ainsi et que le récit de Cuignet était inexact[5].

Demange, lui aussi, à Rennes, avait aperçu en plein jour les différences de coloration entre les quadrillés ; mais, comme il était un simple homme de bon sens, il s’était dit seulement que savoir aide fort à voir. Aussi bien Cuignet lui-même les avait-il vues « au jour », dès le lendemain de sa découverte, et il l’avait dit à Roget[6].

  1. Pièce 365 du dossier secret.
  2. Pièce 367. — J’ai démontré (t. II, 914 et suiv.), d’une façon, je crois, irréfutable, que cette lettre, sauf la deuxième phrase, a été fabriquée par Henry. André n’y objecte pas ; Targe dépose : « Je ne suis pas convaincu que la pièce 367 ne soit pas également un faux. » (13 juin 1904.)
  3. De même Targe : « J’ai étudié en détail le faux Henry. »
  4. Voir t. IV, 155.
  5. Voir p. 269.
  6. Cour de cassation, 2 mai 1904, Roget (en réponse à une