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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/278

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


— Ou il fallait mettre en doute la sincérité de l’interrogatoire d’Henry par Cavaignac. Or, André avait au dossier le brouillon écrit au crayon par Roget, pendant que Cavaignac mettait Henry à la question, et ce brouillon, d’une écriture haletante, où l’on suit tout le mouvement de la scène tragique, crie la vérité. Et alors même, disons-le, que ces pages n’eussent pas été conservées, on n’aurait pas eu davantage le droit de soupçonner Cavaignac et Roget, quelles qu’aient été leurs autres fautes, d’avoir relaté mensongèrement, dans un tel document, les dernières convulsions de l’homme qu’ils avaient envoyé à l’infamie et à la mort.

André ne s’en tint pas là, poussa jusqu’au bout ses déductions.

Gonse, en 1896, quand il avait procédé, par ordre de Billot, au reclassement du dossier secret, en avait paraphé et numéroté toutes les pièces ; mettant l’initiale de son nom et le numéro d’ordre aux deux fausses lettres de Panizzardi, il les avait écrits avec soin, au milieu de l’un des morceaux qui les composaient et sans empiéter sur le fragment voisin ; bien d’autres pièces, également paraphées et cotées, offraient la même particularité, si c’en était une, et rien n’était plus simple, mais point pour André et pour Targe. Pour eux, c’étaient « les formes bizarres des déchirures des morceaux échangés qui respectaient, sur chaque pièce, le numéro et le paraphe de Gonse », — c’est-à-dire que les morceaux auraient été déchirés de façon à les « respecter », — et, comme « les numéros[1] correspondaient, au classement du rapport que Gonse avait remis, le 1er juin 1896, à Billot[2], ils en conclurent

  1. 365 et 367.
  2. C’est le rapport dit Gonse-Wattine.