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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/362

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


vaincu par la résistance de Dreyfus, conseille l’abandon des poursuites ; Mercier y incline ; il s’en était réservé la possibilité en donnant l’ordre de tenir secrète l’arrestation de l’officier ; Henry la révèle ; dès que le juif est nommé, il est coupable, perdu, Esterhazy est sauvé.

Il y avait pour Papillaud un moyen très simple de prouver que la lettre n’était point de l’écriture d’Henry, qu’elle avait été fabriquée par Du Paty : c’était de la produire. Le juge Boucard, muni d’une commission rogatoire, mande Papillaud, lui enjoint de déposer la lettre ; Papillaud répond « qu’il ne la possède plus », sans vouloir dire qu’il l’a détruite ou mise en lieu sûr[1].

Autant avouer que la lettre était bien d’Henry. Pourtant, il eût mieux valu l’avoir, mais comment ? Arrêter Papillaud ? Il n’avait commis aucun délit.

Enfin, je demandai à la Cour de citer le lieutenant-colonel Péroz, officier d’infanterie coloniale en retraite, qui m’avait rapporté une conversation qu’il avait eue, cinq ans auparavant, avec le major Dame, l’ancien chef du service des Renseignements à Berlin.

Péroz avait suivi, pendant l’automne de 1899, à l’époque même du procès de Rennes, les manœuvres allemandes dans le grand-duché de Bade. Le major Dame était chargé de guider les officiers étrangers qui assistaient à ces manœuvres. Péroz lui avait été particulièrement recommandé par Susskind, attaché

  1. 21 mai 1904, procès-verbal d’audition de Papillaud. — Revision, I, 436, Baudouin. — Picquart avait raconté, l’année d’avant, « qu’il savait d’une source habituellement très sûre que cette fameuse lettre était à vendre ». (Gazette de Lausanne du 11 août 1903). Mais il n’indiquait point « la source ». La lettre ne me fut point proposée. Picquart, comme Cuignet, soutenait que la lettre ne pouvait pas émaner d’Henry : pourquoi Henry l’aurait-il écrite, signée ? « C’eût été de la folie. »