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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/451

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LA REVISION


ments dont le malheureux ne fut que l’occasion ou le prétexte.

Il procède à l’examen du procès de Rennes, « comme si la procédure avait été régulière ». La loi y fut méconnue ; « ces violations de la loi auraient peut-être pu servir de base à une demande d’annulation ; mais ce recours n’a pas été exercé[1] ».

Ceux qui connaissaient le mieux cette douloureuse histoire ne la virent pas, en écoutant Moras ou en le lisant, sous une lumière nouvelle, mais dans une clarté plus vive qui en détachait avec un singulier relief les contours et les détails. Il la raconte avec une loyauté, une probité d’esprit parfaites, discute les témoignages comme c’est son droit et son devoir, mais laisse parler les documents, ne les sollicite pas, n’écarte aucun fait, fût-il en apparence insignifiant, qui peut devenir un clément utile d’appréciation, et chaque fait est dix fois contrôlé, à toutes les sources, maintenant abondantes, presque trop nombreuses, de la vérité judiciaire. Il a pris pour modèle, et n’en pouvait choisir de meilleur, Ballot-Beaupré, se couvre souvent de son autorité, s’astreint, comme lui, à ne pas laisser deviner son sentiment intime, avant que l’auditeur ou le lecteur de bonne foi ne soit arrivé par l’exposé des faits à la même conclusion, marche à travers les textes de droit et les versions contradictoires du même pas précis, continu, lent, parfois un peu lourd, et le suit jusque dans ses artifices. Ainsi, après avoir exposé avec une minutieuse exactitude les systèmes du procureur général et de Mornard sur la cassation sans renvoi, il recherche, avec le même scrupule, les arguments que pourrait faire valoir l’avocat de la partie adverse, s’il y en avait dans l’ins-

  1. Revision, I, 125, Moras. — Voir t. V, 520 et 536.