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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/453

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LA REVISION


Si ces fraudes n’avaient point été commises, auraient-ils acquitté[1] ? Nulle base plus mince, semble-t-il, pour l’arrêt historique qui va être rendu. — Seulement, cette opinion, accréditée par les adversaires impénitents de la revision, assez généralement répandue, repose sur une erreur de droit. Car le fait nouveau, pour petit soit-il, n’est que la clef qui ouvre la revision, parce que c’est une des plus nobles fictions de la loi que, si une parcelle de vérité a été caché à un seul juge par le nuage d’un mensonge, alors que tout le reste de la vérité étincelait devant lui, cette seule parcelle suffit à infirmer la sentence. La revision une fois ouverte, aucun élément de vérité n’est périmé ou prescrit, la cause tout entière appartient aux nouveaux juges.

Ainsi Moras, et, après lui, Baudouin, puis Mornard, poursuivent deux opérations distinctes. Ils prennent les « faits nouveaux » et, quand ils ont montré que le conseil de guerre les a, en effet, ignorés et que, s’il lui fut menti, si les généraux ont fait usage de deux de ces pièces, si Mercier en a jugé l’une assez importante pour l’introduire rétroactivement au dossier secret de 1894, avant qu’elle ne fût écrite, si l’autre a paru à tel point décisive à Cavaignac qu’il la porta, avec son fameux discours, à la tribune de la Chambre, apparemment le tribunal militaire en a tenu compte : la revision s’impose. Ils prennent une à une toutes les charges successives et, parfois, contradictoires qui ont été alléguées contre Dreyfus, écriture naturelle du bordereau et écriture sur « gabarit », « soupçons nés de l’accusation »,

  1. Revision, I, 271 et suiv. — « Il n’est pas possible de déterminer la part d’influence que tel motif inégalement retenu parmi d’autres non critiquables a pu avoir sur la décision attaquée. » (Arrêts de la Cour de cassation des 17 juin. 1876, 31 juillet 1880, 25 novembre 1882, etc.)