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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/71

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L’AMNISTIE


lui inflige trois mois de prison pour outrage au Président de la République.) Enfin le coup qu’il avait manqué, en février, à Reuilly, il avait résolu, en juin, de le recommencer et il en avait arrêté la date : le jour du jugement de Rennes, et quel que fût ce jugement, car, pensait-il, si le traître était acquitté, ses amis vainqueurs se livreraient dans Paris « à des saturnales » et, s’il était condamné, « ils provoqueraient une émeute ». Cependant Déroulède n’a jamais opéré qu’avec sa Ligue et sans aucune entente avec les royalistes ; sauf Godefroy, Cailly et Guérin, il n’a connu aucun de ses prétendus complices avant de les rencontrer en prison ; il tient au surplus le duc d’Orléans pour « un mauvais roi ». Ses hommes, Baillière et Barillier, dirent comme lui ; puis Guérin s’expliqua longuement sur ses équipées et, non moins longuement, sur ses tares, les accusations d’escroquerie et de vol qui avaient été portées contre lui par d’anciens associés et lui avaient valu des condamnations. Il donna l’impression d’un chef, aussi beau parleur et de beaucoup plus dangereux que Déroulède ; mais la plupart de ses co-accusés avaient honte de lui, maintenant qu’ils n’avaient plus besoin de lui, et le lui marquaient.

Le scandale éclata dans son plein aux dépositions. Les principaux témoins à charge, dans une affaire comme celle-ci, appartenaient nécessairement à la police. C’eût été miracle s’ils eussent recueilli seulement des renseignements exacts. Ce fut surtout ce qu’ils avaient surpris de la vérité qui servit de prétexte aux colères et au tapage. Cailly, Dubuc, Brunet, Barillier, dressés sur leurs bancs, vociféraient, invectivaient tantôt les témoins (Lépine, Puybaraud, Hennion), tantôt le ministère public et les juges ; ils les traitaient de « misérables » et de « coquins », leur