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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/72

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


montraient le poing. À bout de patience, le procureur général requit leur exclusion pour plusieurs audiences et quelques peines de prison. Un avocat (Hornbostel) se fit suspendre pour trois mois.

Ces scènes, la goujaterie naturelle des uns, la violence à froid des autres, faisaient les délices du beau monde.

Parmi les témoins à décharge, les uns rendirent seulement hommage au caractère des accusés ; les autres, plus ou moins leurs complices, protestèrent surtout qu’il n’y avait aucune entente entre les royalistes et les plébiscitaires.

Déroulède était malade, ou fit le malade[1], pour la déposition de Roget. Le général, plus loquace et plus sourd que jamais, répéta ses déclarations antérieures, à savoir qu’à Reuilly, au retour des obsèques de Félix Faure, il n’avait entendu ni les propos que Déroulède, à la bride de son cheval, lui avait hurlés à l’oreille, ni ceux que le chef des « patriotes » avait tenus un peu plus tard, dans la cour de la caserne. Des soldats les avaient entendus (l’un d’eux, nommé Michel, en déposa) ; lui, point. Comme plusieurs membres de la Cour (Denoix, Chaumié, Bidault) le pressaient un peu, la droite s’indigna, demanda si le général était accusé ou témoin. Fallières le protégea : « Personne n’a le droit de le soupçonner, mais personne n’a le droit non plus d’empêcher que des questions soient posées[2]. »

Fallières, comme Waldeck-Rousseau, chercha à dégager les généraux, à garder à tous une réputation,

  1. Clemenceau, dans l’Aurore du 2 décembre 1899.
  2. Audience du 2 décembre 1899. — Clemenceau : « Le piteux Fallières, au lieu de répondre que certains témoins peuvent passer au banc des accusés suivant ce que les témoignages découvrent de vérité, s’empressait de promettre à Roget sa protection contre toute éventualité de justice menaçante… » (Aurore du 4.).