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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/85

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L’AMNISTIE


connaissaient ses actes, « les approuvaient et en profitaient[1] ».

Entre temps, après plus d’un an, son procès avec son cousin Christian finissait par être appelé et le descendant des palatins de Hongrie était condamné à trois ans de prison pour escroquerie[2]. J’émis l’avis que le gouvernement devait demander son extradition, le faire juger contradictoirement[3]. On l’aura sous la main ; un jour ou l’autre, il parlera. Waldeck-Rousseau et Monis s’y refusèrent.

Esterhazy a-t-il supposé que Waldeck-Rousseau était plus inquiet pour son amnistie qu’il ne voulait le paraître ? La justice anglaise, au premier mot, l’aurait livré ; pourquoi ne le réclamait-on pas ? Que serait-ce s’il menaçait de rentrer en France, de se livrer lui-même ?

Il imagine, en attendant, de mettre Clemenceau dans son jeu, lui propose son alliance, sans embarras, comme la chose la plus simple du monde, d’égal à égal. Il lisait ses véhéments articles contre l’amnistie, où les ministres, surtout Waldeck-Rousseau et Millerand, étaient fort malmenés. « Vous ne voulez pas, lui écrit-il, de l’amnistie, et moi, je n’ai qu’une idée dans la tête : me venger des lâches qui m’ont abandonné… Je suis en mesure, grâce à quelques papiers en ma possession, de faire beaucoup de mal à ces misérables… Je sais quelles sont les intentions du gouvernement qui veut les sauver. Voulez-vous associer en secret vos haines aux miennes ?… Envoyez-moi quelqu’un de sûr[4]. »

  1. Lettre du 26 janvier 1899 à Waldeck-Rousseau.
  2. 6 novembre 1899, neuvième Chambre correctionnelle. Voir t. II, 493 et suiv.
  3. Siècle du 8 novembre 1897.
  4. 21 novembre 1899.