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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/87

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L’AMNISTIE


dres, à faire savoir à Esterhazy qu’il était autorisé « à recueillir ses déclarations et à recevoir ses documents dans l’intérêt de la justice[1] ».

Voilà Esterhazy bien surpris. Au lieu de vendre au plus offrant son sac, le vider pour rien ne faisait pas son affaire. Comment se dérober ? C’était avouer qu’il n’avait plus rien à dire, tuer son commerce déjà malade. Il se rendit donc chez Lequeux, traîna sa déposition, à travers de fastidieux bavardages, pendant quatre audiences[2] ; mais entre chaque audience, il écrivait à Waldeck-Rousseau que, s’il avait déjà produit de bien redoutables accusations, ce n’était rien pourtant en comparaison de ce qu’il lui restait à dire et qu’il y aurait un bien grand intérêt patriotique à ne pas le laisser achever : « C’est avec une profonde douleur que j’en arrive là… Il est terrible pour moi d’en arriver à dépasser les Urbain Gohier, les Clemenceau dans leur œuvre… J’avais cependant prévenu le Cavaignac imbécile et le Boisdeffre hypocrite… » Et comme Waldeck-Rousseau continuait à ne pas entendre : « Vous voulez donc que je montre que, dans cette armée, jadis vaillante, la lâcheté au feu n’est plus une tare… Je vais donc raconter les canailleries de Galliffet… Vous voulez de la m..... Allons-y, comme disait ce pauvre Henry ! » Et, finalement, la note enfin sincère, comique : « J’ai refusé, il y a peu de temps, de parler pour 250 livres, et cette fois ce sera gratis ! »

Quand Waldeck-Rousseau lut la déclaration d’Esterhazy, il lui parut qu’elle n’ajoutait pas grand’chose à sa déposition devant la Cour de cassation[3]. C’était, une fois de plus, le récit de la collusion, des secours que

  1. 10 février 1900.
  2. 22 et 26 février, 1 et 5 mars.
  3. Voir t. IV, 520 et t. V, 28.