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NOUVELLES ET MÉLANGES.

servir de canevas à l’homélie d’Emmanuel de Beith-Garmaï et à une autre homélie de peu d’intérêt, composée par Adam d’Aqra[1].

Le poème de Sergis comprend, en dehors du prologue et de l’épilogue, vingt-deux chapitres ou chants, correspondant aux vingt-deux lettres de l’alphabet syriaque. D’étendue diverse, ces chants se composent de vers rimés de douze syllabes, se divisant en trois mesures de quatre pieds et accouplés deux par deux ; dans chaque chant, tous les vers se terminent par la lettre de l’alphabet à laquelle le chant correspond.

On trouve des compositions poétiques d’un genre analogue dans le Liber thesauri du P. Cardahi, mais ce qui fait le caractère particulier de l’œuvre de Sergis, c’est une recherche exagérée de mots inusités, de néologismes d’une singulière audace, de locutions détournées de leur sens usuel. L’auteur semble, à l’instar d’Abdischo de Nisibe dans son Livre du Paradis, vouloir disculper la langue syriaque du reproche de pauvreté, et montrer qu’elle peut rivaliser en richesse avec l’arabe. Il en arrive à composer de véritables rébus, dont on n’aurait la clef qu’en feuilletant les lexiques de Bar Ali et de Bar Bahloul, si un commentaire marginal n’épargnait au lecteur ce travail, en reproduisant les gloses explicatives de ces lexiques. C’est en effet à Bar Ali et à Bar Bahloul que Sergis doit souvent sa science linguistique, et tout porte à croire qu’il a écrit de sa propre main les gloses marginales qui éclairent le texte.

Quelques exemples montreront jusqu’à quel point peut aller l’artifice en pareil cas : le nom biblique Argob ܐ݂ܿܪܓܘܿܒ est employé dans le sens de « vision », v. 1168, parce que

  1. Ces deux homélies se trouvent dans le Liber thesauri de arte poetica Syrorum, publié par le P. Gardahi, p. 102 et 142. M. G. Hoffmann a traduit la première dans ses Auszüge aus syrischen Acten persischer Märtyrer, p. 19 ; comp. ibid., p. 179. La différence du nom de l’idole, appelée Zakkai dans Emmanuel et Mat’yai dans Simon et Sergis, ne suffit pas pour indiquer une autre source.