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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/137

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

dans une situation des plus ridicules. À cinq heures, je rends visite au marquis de La Fayette. Il me dit qu’il a suivi mon avis, bien qu’il n’ait pas répondu à ma lettre. Je le félicite de ce qui s’est produit, il y a deux jours, entre un gentilhomme et le comte de Mirabeau. L’insulte était tellement marquée qu’il en est ruiné, parce que l’on ne peut plus le faire entrer dans un ministère et qu’il est perdu dans l’opinion de l’Assemblée. Il me demande avec chaleur si je pense qu’il n’y ait plus rien à en attendre. Je lui réplique que l’évêque d’Autun vient de m’exprimer cette opinion. Il dit qu’il ne connaît pas beaucoup l’évêque et serait content de le connaître davantage. J’offre de les faire dîner ensemble après-demain ; si l’évêque n’accepte pas, je n’en soufflerai pas un mot. La Fayette désire que je n’en fasse rien, parce que s’il dînait chez moi au lieu de dîner chez lui, cela ferait une histoire, ce qui est vrai. Il me demande pourtant d’emmener l’évêque déjeuner chez lui après-demain. Je promets de l’inviter. Je vais chez Mme de Laborde. M. de La Harpe nous lit quelques observations sur La Rochefoucauld, La Bruyère et Saint-Évremont. Elles ne sont pas sans valeur, mais sont sujettes à critique. Après souper nous tombons dans la politique. M. de Laborde nous dit que la municipalité de Rouen a arrêté du blé destiné à Paris. Ceci nous amène à parler du monstre à mille têtes que l’on a créé dans le département exécutif. Il excuse l’Assemblée qui a été obligée de détruire pour corriger. Mais la nécessité d’une telle excuse est d’un mauvais présage. En vérité, quand il devient nécessaire d’excuser la conduite d’un gouvernement, on est bien près de le mépriser, car l’on reconnaît les erreurs de conduite avant de les excuser, et le monde est assez bienveillant pour croire à l’aveu en rejetant l’excuse.


2 novembre. — Lundi matin j’emmène Mme de Flahaut et Mme de Laborde en promenade au jardin du roi et ensuite à l’église de la Sorbonne, pour examiner le tombeau