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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/142

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

5 novembre. — Ce matin, le comte de Luxembourg et La Caze viennent déjeuner pour connaître mes sentiments sur l’état des affaires publiques. À dîner, j’apprends les nouvelles du Brabant : les troupes impériales ont éprouvé des revers sérieux, et le peuple a déclaré son indépendance. Cette dernière nouvelle est certaine, car je lis la déclaration, au moins partiellement.


6 novembre. — Je passe la matinée avec Le Couteulx à rédiger un projet de traité pour la farine avec M. Necker ; il devra être recopié et envoyé avec une note de moi. Je reviens chez moi à trois heures passées, pour m’habiller, puis vais chez M. de Montmorin. Le dîner a heureusement été retardé à cause de quelques membres des États généraux (ou Assemblée nationale). Après dîner, il me demande pourquoi je ne viens pas plus souvent. Il désire beaucoup s’entretenir avec moi. Il est invité à dîner mardi prochain, mais n’importe quel autre jour, etc. Je cause avec sa fille, Mme de Beaumont. C’est une femme enjouée et sensible. À six heures, je conduis Mme de Flahaut à l’Opéra, où j’ai la faiblesse de verser des larmes à une pantomime représentant les « Déserteurs ». Tellement il est vrai que le geste est le grand art de l’orateur. De l’Opéra je vais chez Mme de Chastellux ; la comtesse de Ségur s’y est rendue avec ses enfants ; tous sont désappointés de ne pas me voir ; c’est de la politesse, mais je suis fâché de ne les avoir pas rencontrés. La duchesse a oublié de me gronder ; cela va bien. Mme de Chastellux me dit que le général prussien Schleifer, qui commandait l’armée de dix mille hommes envoyée pour mettre fin aux troubles de Liège, après quelques exécutions qui avaient rétabli l’ordre, harangua ses troupes, les remercia de leur zèle, puis, en raison du désordre qui régnait dans les finances de son maître, les licencia ; mais, en considération de leurs anciens services, leur laissa les armes, les bagages, etc., et leur donna un mois de solde