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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

pour les aider à regagner leurs foyers. Naturellement étonnés d’un tel événement, les patriotes du Brabant offrirent des conditions très avantageuses, et toute l’armée passa à leur service. Le général Dalton, informé de cette manœuvre, s’adressa aussitôt au comte Esterhazy, commandant à Valenciennes, pour savoir s’il recevrait les troupes autrichiennes. Ce dernier envoya un exprès à M. de La Tour du Pin, ministre de la guerre. Il y a eu conseil des ministres et la réponse est partie ce matin. Je vais chez Mme de Laborde. Au cours de la soirée, j’en parle comme d’une rumeur, dont je ne veux pas garantir l’authenticité. M. Bonnet nous dit que ce bruit court effectivement, quoique avec des détails matériels différents, puisqu’il n’était question que d’une demande d’être admis sans armes, au cas où les événements rendraient la retraite nécessaire. Il s’était renseigné près l’un des ministres qui lui avait assuré que le manque de vivres, déjà si grand, avait fourni un prétexte heureux pour ne pas accorder la demande de Dalton. C’est une faible excuse ; il aurait fallu recevoir ces troupes, près de dix mille hommes et les diriger lentement sur Strasbourg, pour y attendre les ordres de l’empereur. Les bataillons qu’il a déjà envoyés à leur secours, joints à eux et aux régiments étrangers servant en France, formeraient une armée suffisante à rétablir l’ordre dans le royaume et la discipline parmi les troupes. L’idée de ceux qui ne partagent pas mon avis, est que les Parisiens assassineraient immédiatement le roi et la reine ; je suis loin de le penser, et je suis persuadé qu’un nombre respectable de soldats en état de venger ce crime serait un puissant moyen de le prévenir. Ce ne sont là pourtant que les suppositions d’un particulier. Malheureuse France ! Être déchirée par la discorde au moment où des résolutions sages et modérées t’auraient élevée au sommet de la grandeur humaine ! Il est arrivé aujourd’hui un incident bien étrange ; un personnage