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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/182

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

Flahaut pour acheter à crédit en Amérique, plan auquel elle doit être intéressée. Il répond que si les bénéfices sont grands et l’opération sérieuse, il pense pouvoir obtenir deux millions. Je lui dis que je désire m’en tenir à un million. Nous en reparlerons. Il me rappelle mes propos sur la dette américaine qui fournirait une bonne spéculation. Je réponds que j’y suis déjà engagé, mais que pour une affaire si importante, l’union de nombreux capitalistes est devenue nécessaire. Mme de Flahaut étant indisposée, je la trouve les pieds dans l’eau chaude, et, au moment où elle va les retirer, une de ses bonnes étant employée à cette opération, l’évêque s’occupe à chauffer le lit avec une bassinoire ; moi je regarde, car c’est assez curieux de voir un révérend Père de l’Église engagé dans cette pieuse opération.


4 janvier. — Je vais au club. L’Assemblée nationale a suspendu les pensions, ne donnant que 3,000 francs pour les arrérages échus. La liste doit en être examinée d’ici au 1er juillet prochain, en vue de la refaire, et les absents ne recevront rien jusqu’à leur retour. Je vais chez Mme de Staël, où l’on discute cette question avec une certaine ampleur. Je leur dis que l’abolition des privilèges a été la route ouverte vers la destruction de toute propriété. Il en résulte une discussion interminable ; Mme de Staël y montre beaucoup de génie et peu de savoir. Les opinions sont différentes, mais elles deviendront uniformes. J’ai exprimé cet avis pour faire impression sur certains qui m’ont traité d’aristocrate, etc., parce que je n’approuve pas leurs sentiments.

Je trouve Mme de Flahaut au désespoir pour la réduction des pensions, et cela sans grande raison. Je le lui prouve ; elle en était déjà convaincue, mais elle dit qu’elle veut crier très fort. Ses domestiques sont venus l’assurer ce matin que, si cela est nécessaire, ils se mettront pendant six mois au pain et à l’eau. L’évêque d’Autun arrive.