Aller au contenu

Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

l’affaire se présente comme excellente, mais, puisque l’on doit bientôt avoir du papier-monnaie en France, il devrait réunir ses fonds pour en tirer un grand profit. L’évêque s’en va, et Mme de Flahaut me donne à lire un plan financier préparé pour l’évêque par M. de Sainte-Foy ; elle me demande ce que j’en pense. Je lui réponds qu’il ne faut rien de plus pour le ruiner complètement.


22 janvier. — Je fais une promenade au jardin des Tuileries avec Mme de Flahaut, et M. de Saint-Pardou, puis je dîne avec le comte de Montmorin. M. de Marmontel est présent. Après dîner, j’entretiens le comte du commerce avec les colonies. Il dit qu’il espère voir quelque chose se faire avant quinze jours ; il pense qu’on devrait accorder une bien plus grande liberté au commerce avec nous qu’à celui avec les autres nations, parce que l’état de leurs colonies dépend de nous. Je lui communique, sous le secret le plus absolu, la commission dont je suis chargé en partie. Je lui dis deux vérités de premier ordre : la liberté du commerce avec les Îles Britanniques est ce qui contribuera le plus à nous inculquer le désir d’un traité de commerce avec la Grande-Bretagne, et, pour ma part, je préfère des rapports plus étroits avec la France. Il me dit que le grand malheur de ce pays est de n’avoir ni plan fixe, ni principes, et actuellement d’être sans chef. Je lui dis qu’il faudrait recourir à la guerre. Il m’exprime sa conviction que, s’ils ne font pas bientôt la guerre, on la leur fera vite. Mais leurs finances ! Je lui affirme qu’il y a là moins de difficulté qu’il ne croit. Le grand mal vient d’une constitution sans force. Nous rejoignons les personnes présentes. On s’occupe beaucoup des affaires publiques, sur lesquelles Marmontel partage mon avis. J’ai eu l’occasion à dîner de remarquer les différences de goût. On avait reçu une grosse truite du lac de Genève, et la question fut de savoir quand la manger. On consulte le maître d’hôtel, on examine la