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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/203

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

mais il observe fort justement qu’il est beaucoup plus facile de convaincre La Fayette que de changer ses résolutions.


9 novembre. — J’ai une longue conversation aujourd’hui avec Short sur différents sujets et particulièrement sur l’Amérique. Je lui dis que le contrat de Robert Morris avec les fermiers, que Jefferson considérait comme un monopole, a été au contraire le seul moyen de détruire le monopole du tabac en Virginie, par les facteurs écossais, monopole qui existait de fait. Je lui en donne plusieurs raisons. Nous disons quelques mots sur La Fayette. Il s’étonne de l’inaptitude et de l’imbécillité de cet homme. Pauvre La Fayette ! Il commence à subir les conséquences inévitables d’une trop grande élévation. Il s’éclipse au premier nuage. Short me dit aussi que La Rochefoucauld est terriblement embarrassé dans l’affaire des impositions. Je réplique qu’il en est toujours ainsi quand on apporte des idées métaphysiques dans les choses courantes ; que seuls savent gouverner ceux qui en ont l’habitude, et que ces derniers ont rarement le temps ou l’inclination d’écrire à ce sujet. Les livres que l’on rencontre ne contiennent donc que des idées chimériques. Je vais ensuite au salon de Mme de Flahaut, et je reste le dernier. Selon sa coutume, le comte de Luxembourg a beaucoup de choses à me dire à l’oreille. Je déclare sans détour que les aristocrates doivent rester tranquilles, s’ils ne veulent pas être pendus.


10 novembre. — J’avais acheté à Londres un gros chien de Terre-Neuve pour la duchesse d’Orléans. Je l’emmène aujourd’hui au Palais-Royal où je vais dîner, et le présente à Son Altesse Royale, qui paraît bien contente ; le vicomte de Ségur « le prend en amitié ». Cela s’entend. Je fais un tour avec le comte dans les jardins, puis je vais au club