Aller au contenu

Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

cela pourrait déterminer un prince entreprenant. Mais il est circonspect, et se fie plus à la diplomatie qu’à la force. Comment cela finira-t-il ? Ce malheureux pays, égaré dans la poursuite des folies métaphysiques, présente au point de vue moral une immense ruine. Nous admirons l’architecture du temple, comme les restes d’une ancienne splendeur, tout en détestant le faux dieu auquel il était dédié. Les chouettes et les corbeaux et les oiseaux de nuit bâtissent maintenant leurs nids dans ses niches ; le souverain est abaissé au niveau d’un mendiant, sans ressources, sans autorité, sans ami ; l’Assemblée est en même temps maîtresse et esclave ; nouvelle au pouvoir, farouche en théorie et novice en pratique, elle accapare toutes les fonctions, bien qu’étant incapable d’en exercer aucune, et elle a enlevé à ce peuple fougueux et fier tous les freins de la religion et du respect. Ici l’imagination peut parcourir des espaces sans fin. Il est impossible de calculer quelle somme de misère sera nécessaire pour changer la volonté populaire. La vue la plus perçante ne peut découvrir quelles circonstances surgiront, dans l’ordre de la divine Providence, pour donner une direction à cette volonté. Nous ignorons également quels talents il se trouvera pour utiliser ces circonstances, influencer cette volonté, et par-dessus tout modérer le pouvoir qui en résultera. Une seule chose semble assez certaine : l’occasion glorieuse est perdue, et (pour cette fois-ci du moins) la Révolution a échoué.


23 novembre. — L’évêque d’Autun arrive pendant que je suis chez Mme de Flahaut aujourd’hui, et, comme ma voiture a été renvoyée, il est triste. Je les quitte et vais chez le comte de Montmorin. Avant le dîner, profilant de ce que le duc de Liancourt et Montesquiou sont là, au cours de la conversation sur les faits et gestes de l’Assemblée, je dis que la Constitution proposée est telle que le Tout-Puissant