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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/211

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

lui-même ne pourrait en sortir sans créer une nouvelle espèce d’hommes. Après le dîner, j’entretiens Montmorin de sa propre situation. Il se sent très embarrassé, ne sachant s’il doit rester ou s’en aller, ni ce qu’il faut faire, au cas où il resterait. Montesquiou se joint à nous et me questionne sur la dette due par l’Amérique à la France. Comme résultat des renseignements que je lui donne, il convient avec Montmorin de n’accepter aucune proposition sans me consulter d’abord. De là je me rends chez Mme de Ségur. Les enfants y jouent une petite comédie dont le sujet est le plaisir éprouvé par toute la famille à l’arrivée d’un bébé dont la comtesse vient d’accoucher. La pièce a été écrite par le père, auquel j’adresse les lignes suivantes :

« Les autres ne peuvent avoir qu’un rôle dans une comédie, mais vous, mon ami, avec une âme plus haute, vous y êtes universel ; ici, en effet, tout vient de vous : sujet, pièce et acteurs. »

Dès la fin de la pièce, je m’esquive. Mme de La Fayette, qui était là, m’adresse quelques reproches sur mon abandon. La haute situation de son mari lui a longtemps donné le vertige. Quand il sera un peu remis, je verrai s’il peut encore être utile à son pays ou au mien. J’en doute. Je vais au Louvre et j’apprends que Mme de Flahaut s’est disputée avec son évêque qui est jaloux de moi. Cette querelle l’a rendue très malade ; ses amis et ses domestiques s’empressent autour d’elle.


25 novembre. — Après avoir dîné avec Mme Foucauld, je vais chez La Fayette ; j’y suis accueilli assez froidement. Je reste quelque temps, appuyé sur la cheminée. M. La Fayette sort de son bureau et s’approche dès qu’il me voit. Il demande pourquoi je ne viens pas le voir. Je réponds que je n’aime pas me mêler à la foule que je rencontre chez lui, mais que, chaque fois que je lui serai utile, je serai à ses ordres.