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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

seur et l’offensé peuvent appartenir à des rangs différents de la société. J’aurais pu aller plus loin encore, et marquer les diverses variétés de sentiments que les différentes nations civilisées ont introduits dans la vie sociale, car c’est un fait que le mal que nous éprouvons consiste surtout dans l’appréhension. Le législateur qui voudrait rogner les sentiments de l’humanité à la mesure métaphysique de sa propre raison montrerait donc peu de savoir tout en laissant peut-être voir beaucoup de génie. Nous retournons au Palais-Royal, où je descends Mme de Chastellux. Je vais au Louvre. Mme de Flahaut est seule et bien affligée. Elle se plaint de la froide indifférence des parents de son mari. Il est malade, très malade. Le baron de Montesquiou arrive et lui demande si sa dot est assurée. Elle ne l’est pas. M. d’Angivillers a payé les dettes de son frère ; mais paiera-t-il celle-ci comme dette privilégiée ?


1er février. — J’apprends aujourd’hui que M. de Rulhières est mort subitement, et comme il écrivait l’histoire de son temps et qu’il était hostile aux gouvernants actuels, leurs adversaires disent qu’il a été empoisonné.

Paul Jones vient me voir, et voudrait avoir mon avis sur un plan de guerre contre la Grande-Bretagne aux Indes, au cas où elle commencerait les hostilités contre la Russie. À trois heures et demie je vais dîner avec M. de La Rochefoucauld, puis je vais rendre visite à Mme de Ségur, avec qui je reste quelque temps. Elle rentre à l’instant de son service près de la princesse à Bellevue. Les deux tantes du roi, Mesdames Adélaïde et Victoire, sont sur le point de partir à Rome. Ternant est venu ce matin me demander d’aller chez La Fayette ce soir, et de là au Comité de commerce. Il me dit qu’il m’aurait fait écrire un mot par le Comité, mais La Fayette, qui veut avoir l’air de faire tout (l’ommis homo), a préféré m’emmener. Après le dîner, je me rends chez La Fayette. Je m’entretiens quelque temps