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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/277

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

puis je vais à l’Académie. Rien d’extraordinaire, mais je remarque que dans l’auditoire il y a plus de religion que je ne supposais. C’est bon signe. Je retourne aux appartements de Mme de Flahaut ; elle ramène l’abbé Delille, qui nous récite des vers charmants. Je vais chez M. de Montmorin, et lui dis que j’ai lieu de craindre que le roi ne médite un autre coup de théâtre. Il ne le pense pas. Nous discutons longuement ensuite ce qu’il y a à faire : je trouve qu’il commence à avoir une notion correcte des choses. Il est très inquiet au sujet d’un ministre des finances. Je lui dis que, quand le gouvernement jouira d’une autorité suffisante, je lui donnerai un plan pour les finances. Je rentre de bonne heure, après avoir fait en chemin une visite à Laborde. La situation du roi le remplit de tristesse. Je réponds qu’il n’y a aucun danger, et lui montre dans ses grandes lignes la conduite que devrait tenir Sa Majesté. Il me demande de mettre tout cela par écrit. Je refuse, pour le moment. Il ajoute que le roi comprend bien l’anglais, et qu’il gardera le secret ; je puis l’en croire, car il a été plusieurs années valet de chambre de Louis XV.


26 août. — Mme de Staël m’invite à dîner. Elle me demande de lui montrer le mémoire que j’ai préparé pour le roi. J’en suis surpris, et j’insiste pour savoir comment elle en a eu connaissance. Elle me le dit presque. Je le lis pour elle et l’abbé Louis, par qui elle l’a connu ; comme je m’y attendais, ils sont hostiles à un ton aussi hardi. Je suis bien persuadé qu’on adoptera un plan sans grandeur. L’ambassadrice d’Angleterre arrive pendant cette lecture qu’elle interrompt de la façon la plus agréable pour moi. J’arrive tard chez M. de Montmorin. Nous nous retirons dans son cabinet et je lui lis mon projet de discours au roi. Il en est épouvanté, et dit qu’il est trop violent et que le tempérament populaire ne pourra l’endurer. Nous discutons longuement et je lui laisse le projet. Nous en repar-