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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/30

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

m’esquive, et pour couper court à toute nouvelle folie aujourd’hui, je me décide à rentrer chez moi.


6 avril. — Ce soir, chez Mme de Puisignieux, on me dit qu’il y a du blé en quantité suffisante dans le royaume, mais qu’il est acheté par les accapareurs. M. Necker est soupçonné d’avoir engagé les fonds et le crédit du gouvernement dans cette opération, qui rapportera à la couronne cent cinquante millions. Je ne puis m’empêcher d’exprimer ma désapprobation de cette vile calomnie, et M. de Puisignieux semble honteux d’en avoir parlé. Combien misérable est la situation de M. Necker, élevé si haut au-dessus des autres hommes ! Les services qu’il rend, et qui sont le fruit d’une sollicitude inquiète, sont attribués au hasard, ou ramenés aux proportions d’événements courants. Mais tous les malheurs publics, jusqu’à ceux causés par les saisons ou la cupidité humaine, sont mis au compte de l’ignorance ou de l’injustice de l’administration. M. Le Couteulx désire que j’aille avec lui voir l’un des ministres au sujet de la cargaison de la Russell, car il craint qu’une offre faite par lui ne soit considérée que comme une spéculation privée. L’après-midi, je vais chercher M. Le Couteulx, comme il a été convenu. Nous nous rendons chez M. Montliérain, et M. C… aborde l’affaire. Je vois qu’il avait raison à propos de l’accueil qu’on lui fait, mais j’y coupe court en mettant de suite les choses sur leur véritable terrain, sans faire aucun de ces compliments qui avaient déjà été faits et dont, par conséquent, l’on pouvait maintenant se dispenser. Il en résulte que M. Montliérain apporte plus de sérieux à son examen. On envoie chercher le frère du premier magistrat de Lyon, qui nous est tout acquis. Après avoir pesé les diverses objections, la chose paraît si importante que l’on décide d’en faire part demain par écrit à M. Necker. Je stipule formellement que, si mon nom est prononcé, M. Necker saura que le but de cette offre est de