Aller au contenu

Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

est un conseiller dangereux. Après le dîner, je vais à la Comédie-Française voir Préville. Il a soixante-quinze ans et il joue à la perfection. On peut dire que les meilleurs des autres jouent bien leur rôle, mais lui remplit le sien. Je trouve qu’il a de saines idées à ce sujet, car il est précisément libre de ces défauts qui m’avaient frappé chez les autres.


14 décembre. — J’ai fini hier de copier et de corriger mon plan de gouvernement français avec les principes qui doivent l’accompagner. Nous avons aujourd’hui un bon dîner et autant d’invités que la table le permet chez le ministre de la marine, de Fleurieu. Je lui fais savoir que j’ai préparé quelques notes sur la Constitution pour les lui montrer. Il dit avoir sondé à ce sujet le roi qui lui a conseillé de s’en occuper. Il a recommandé à Sa Majesté le plus grand secret, et a saisi l’occasion de lui en montrer la nécessité, en lisant dans une gazette le récit de ce qui s’était passé au conseil. Après le dîner, je vais à la Comédie-Française. Préville joue le rôle de Sosie, dans l’Amphitryon de Molière. C’est merveilleux. Même sans tenir compte de son âge, il serait considéré comme un acteur excellent, mais dans l’espèce, c’est un prodige.


19 décembre. — J’attends une demi-heure au Théâtre-Français avant que mon domestique puisse avoir un billet, et ensuite j’ai une très mauvaise place ; je me trouve pourtant récompensé par Préville, qui est vraiment de taille à servir de miroir à la nature. Je rencontre M. de Bougainville, qui a servi au Canada, pendant la guerre de 59. Nous parlons des affaires publiques de ce pays. Il me dit que je me trompe en pensant qu’il est lié avec Sainte-Foy, l’évêque d’Autun, etc. ; qu’il les considère comme un tas de canailles ; le roi les considère de la même façon et les déteste. Il a assuré Bougainville qu’il accepte la Constitu-