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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/32

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

nous voyons une très grande maison qui n’est qu’à moitié achevée, et un jardin ou parc qui, s’il est jamais achevé, sera peut-être magnifique, et aura, en tout cas, coûté une somme énorme. La société est nombreuse, mais le dîner est peu copieux. Un abbé déclame violemment contre les modérés en politique. Il dit qu’il enlèvera le poste d’assaut. Ce sera quelque peu difficile, le roi ayant déjà tout rendu à discrétion. Je prie le comte de P… de lui demander ce qu’il désire. Il répond que c’est une constitution. Mais laquelle ? Il ressort de ses explications qu’il exige moins que ce qui est déjà accordé, et un certain nombre d’assistants ne partagent pas son avis, parce qu’il ne demande pas assez. Et voilà celui qui veut tout prendre d’assaut. Une discussion ennuyeuse s’engage ; je n’y fais aucune attention, mais je remarque que cela déplaît aux dames, dont les voix délicates sont couvertes par les éclats des orateurs. Cela leur arrivera encore plus d’une fois, si vraiment les États généraux rédigent une constitution. Ce serait particulièrement à déplorer pour les dames, qui seraient par là même privées de leur part dans le gouvernement ; elles ont joui jusqu’ici d’une puissance presque illimitée, non sans y prendre un extrême plaisir, mais peut-être pas toujours pour le plus grand bien de la communauté.


15 avril. — Je rends visite aujourd’hui à M. Millet. Il est en train de jouer avec plusieurs personnes ayant l’air de joueurs de profession. Mme Millet est sortie et s’occupe probablement d’un jeu tout différent. Je vais ensuite chez Mme de Durfort. Elle me fait savoir qu’elle va rendre visite à un malade, et elle emmène un officier de dragons pour l’aider à surmonter sa douleur. Je prends le thé chez Mme de Chastellux, qui me raconte de nombreuses anecdotes sur le pays. Deux dames entrent et abordent la politique. L’une d’elles déteste tellement M. Necker qu’elle