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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/362

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année 1790

Lettre à Washington.

Janvier. — Je crois parfaitement justes vos sentiments sur la Révolution actuelle, parce qu’ils concordent absolument avec les miens, et c’est là, vous le savez, le seul moyen que le ciel nous a donné pour juger. Le roi est effectivement prisonnier à Paris, et obéit entièrement à l’Assemblée nationale. Cette assemblée peut se diviser en trois partis. L’un, appelé les aristocrates, comprend le haut clergé, les membres de l’ordre judiciaire (moins les juristes) et ceux de la noblesse qui pensent qu’ils devraient former un ordre séparé ; un autre, qui n’a pas de nom, comprend toutes sortes de gens, vraiment désireux d’un gouvernement libre. Le troisième se compose de ce que l’on appelle ici les enragés. Ils sont les plus nombreux, et appartiennent à la classe qu’on dénomme en Amérique les avocats chicaniers ; ils ont avec eux une foule de curés, et beaucoup de ceux qui dans une révolution adoptent le drapeau du changement parce qu’ils ne sont pas bien. Ce parti tire une grande puissance de son union intime avec la populace. Il a déjà tout désorganisé. Le torrent s’élance, irrésistible, jusqu’à ce qu’il se soit épuisé.

Les aristocrates n’ont ni chef, ni plan ni projet jusqu’à présent, mais sont prêts à se jeter dans les bras du premier qui s’offrira. Le parti du centre, plein de bonne volonté, a malheureusement puisé dans des livres ses idées de gouvernement ; il est admirable quand il écrit ; mais il arrive malheureusement que les gens qui vivent sont très différents de ceux qui existent dans la tête des philosophes ; il ne faut pas s’étonner si les systèmes empruntés aux livres ne