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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

ou par tête. Il est si énergique dans son affirmation que l’on voit bien son désir qu’il en soit ainsi. Il ajoute que la nation est incapable de liberté ; elle ne peut rien supporter longtemps et les soldats eux-mêmes ne veulent pas rester plus de trois mois au régiment ; je vois qu’il confond la noblesse avec la nation, et qu’il juge la noblesse d’après ceux de ses membres que leur paresse ou leurs désordres priveraient de toute influence dans les révolutions, en dehors de leur force numérique. Il semble que ceux qui désirent pour le roi un pouvoir absolu admettent, en général, que leur désir sera inévitablement réalisé dans quelques années, quoi que fasse la nation en ce moment. De fait, les révolutionnaires n’ont que de mauvais matériaux sous la main, et s’ils ne déploient pas une grande énergie, les amis du despotisme devront réussir contre eux.


25 avril. — Je passe toute la matinée à écrire ; l’après-midi, je vais dîner chez M. Millet. Les convives sont : sa maîtresse, la vieille marquise de Bréban, et sa fille, personne d’une grande beauté, à qui l’avenir sourit ; une femme mariée, jeune et extrêmement jolie ; son mari et un ami, capitaine dans la marine, resté garçon comme moi ; enfin un jeune homme que je ne connais pas. C’est M. Millet qui s’est chargé du dîner (à la matelote) et des hôtes. Après le dessert, une vieille dame nous joue de la vielle, tout en chantant des chansons scabreuses, à la grande joie des messieurs, de la mère et de la dame mariée, dont le mari semble triste et fourbu. L’enfant écoute avec une extrême attention. Les deux jeunes dames ne sont pas très contentes. M. Millet propose de nous réunir encore la semaine prochaine, et nous acceptons. Il nous consultera avant de commander le dîner. Je lui dis de faire comme il voudra, mais qu’il pourra nous dispenser de la musique, si cela lui plaît. Nous nous rendons ensuite à l’hôtel royal des Invalides, magnifique spécimen d’architecture. La