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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/393

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APPENDICE.

Lettre à M. Thomas Jefferson, secrétaire d’État.

10 juin. — Monsieur, dans mon entrevue du 15 mai avec M. Dumouriez, il m’a dit qu’il pensait que le mieux était de me présenter immédiatement au roi ; ma première audience n’eut pourtant lieu que le 3 courant. Il a donné comme excuse de ce retard l’état des affaires publiques, qui l’ont maintenu dans un état d’occupation et d’agitation constantes. Je ne veux pas vous imposer le récit de ce qui s’est passé lors de ma réception par le roi et la reine. Le lendemain j’ai dîné avec M. Dumouriez, à qui j’ai remis la lettre du Président au Roi sur son acceptation de la Constitution. J’avais préparé une traduction de cette lettre, pour éviter les erreurs assez fréquentes de leurs agents. À propos, différents membres du corps diplomatique m’ont parlé de cette lettre, qui leur a donné une haute idée de la sagesse du Président. Selon vos instructions, j’ai saisi l’occasion de parler de la mesure odieuse prise par l’ancienne Assemblée contre M. Dumouriez et M. Bonnecarrère, son secrétaire intime. Ce dernier m’a dit qu’il partageait complètement mon avis là-dessus, mais que rien ne pouvait se faire avant d’avoir rendu l’Assemblée moins nerveuse ; l’on pouvait, il est vrai, réunir une majorité, mais non pas l’amener à voter autre chose que des mesures provisoires ; nous pourrions cependant préparer la chose et la mettre en train. M. Dumouriez m’a dit que son système politique était extrêmement simple : une puissance aussi grande que la France n’a pas besoin d’alliances ; il est donc opposé à tout traité autre que ceux de commerce. Vous êtes déjà informé, je suppose, des raisons qui ont déterminé la déclaration de guerre contre le roi de Hongrie, et vous savez que l’une de ces raisons était l’espoir d’une révolte dans la Flandre autrichienne. On a même avoué publiquement (et je crois que c’est la première fois dans les temps modernes) l’intention de la provoquer et les efforts faits dans ce but. Cet espoir a été déçu jusqu’ici, autant que l’on peut en juger par le tempérament et le